Figurines

Tout comme Dorothée elle-même, je n’ai pas tout de suite perçu le grand intérêt plastique de ces Figurines. Dans un premier temps, elle-même refusait de prendre cette production au sérieux, les appelant les « sculptures laides ».
Puis est venu le temps de l’émaillage et de la cuisson, qui ont mis en évidence ce que l’argile crue, nue, sèche et mate ne pouvait pas montrer : des formes vivantes, une invention plastique échevelée, mais consistante, fondée sur toute une vie de scrutation des formes, notamment du corps humain et des éléments naturels.
C’est en manipulant ces pièces, puis en les photographiant que j’ai pris conscience qu’une telle richesse formelle ne pouvait se fonder que sur une longue expérience de plasticienne. 
En d’autres mots, il me parait impensable qu’une telle production puisse être réalisée par quelqu’un de jeune, même de grand talent. Nous sommes là en présence d’œuvres nourries de toute une vie consacrée à la forme, et qui pourraient être vues comme son testament plastique. Je vois ces pièces comme une espèce de calligraphie dans l’espace, et si j’enseignais encore la photographie, je donnerais comme thème une Figurine par étudiant en lui demandant de passer quelques heures à la photographier.
(R.F.)

J’ai un grand plaisir à façonner et à voir les pièces prendre forme. Parfois, elles apparaissent selon mes idées, mais souvent il y a un moment magique, une expérience inexplicable, un lâcher-prise qui prend le dessus.
(D.D.), extrait du catalogue de l’exposition collective Printemps des Potiers de Bandol, France, 2012.

Ces paroles de Dorothy me rappellent une visite chez elle, en juillet 2018. J’aperçois sur le dessus de son secrétaire trois figurines blanches qui instantanément me fascinent. Je lui demande :

– Qu’est-ce que c’est ? C’est beau !
– Ah, oui, tu trouves ? Ce sont mes dernières pièces. Je ne sais pas ce qui se passe, je ne sais pas encore si c’est valable. Je me suis laissée aller complètement, plus que je ne l’ai jamais fait avant. Et ça donne ça.

Trois mois plus tard, lors de l’installation de la série des dix-huit figurines pour son exposition personnelle Volumes habités, je l’invite à nommer chacune d’elle. Elle choisit « Les Trois Grâces » pour les toutes premières de la série, puis « Jeux », « L’auréole », « La plante tropicale », « Cubiste 1, 2 et 3 ». Nous regardons l’ensemble pendant de longues secondes, en silence, puis elle dit : Ce sont de sacrées sculptures.
(J.P.)